fr. Alain Riou, op. Couvent de Lille

fr. Alain Riou, op. Couvent de Lille

Les conseils souvent m’agacent, ceux que je reçois comme ceux que je donne, parce que la plupart sont évidents et pourtant on ne les suit pas. Alors, à quoi bon les conseils ? Est-ce ce doute qui m’a amené, comme certains me l’ont fait remarquer, à évacuer de ma prédication les impératifs et les subjonctifs, ou leurs équivalents – les il faut, les nous devons. Et pourtant Jésus dans les Évangiles, Paul et les autres apôtres dans leurs lettres, emploient de ces impératifs et subjonctifs, comme Dieu a donné ses commandements à Moïse !

Oui, mais nous remarquerons que ces commandements ne s’expriment ni sous la forme abrupte d’impératifs, ni sous celle abstraite de substantifs, ni sous celle impersonnelle d’infinitifs, mais comme une parole adressée à un tu, c’est-à-dire à moi, et le verbe hébreu est au temps de l’inachevé – que nous traduisons par un futur. Ils ouvrent une marche en compagnie de quelqu’un, une relation qui se creuse, une histoire qui évolue entre des personnes.

predel1-6

Fra Angelico

Alors pourquoi, devant ces commandements, nous a-t-on souvent incités, par l’examen de conscience, à nous retourner sur nous-mêmes : ce qui m’est recommandé, l’ai-je bien fait ou l’ai-je omis ? Ce que je dois éviter, ne m’y suis-je pas laissé aller ?… Toujours moi-moi ! Comment ma réponse à ce tu ne pourrait-elle pas être d’abord tournée vers l’autre, dans un tu de reconnaissance, de demande d’inspiration et d’appui ?

Cela m’amène à revenir sur le titre même de cette « œuvre de miséricorde ». Si les conseils – nom abstrait – me rebutent, il s’agit ici de conseiller – verbe actif, qui m’invite à entrer dans une relation avec ceux qui en ont besoin, que ce soit eux qui éprouvent ce besoin, ou moi qui le perçois. Et alors, conseiller n’est plus se pencher avec condescendance sur les faiblesses d’autrui, mais devient une histoire, une aventure ouverte entre deux êtres, qui, chacun à sa manière propre, vivent ensemble le passage en eux de la Miséricorde.